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La lettre est arrivée une semaine après sa mort

Bérenger September 1970 - March 1995
Bérenger September 1970 - March 1995

Le 1er décembre revient chaque année comme un ressac. Journée mondiale de lutte contre le sida. Pour beaucoup, un rappel. Pour moi, un visage.


Bérenger est né en 1970. Nous avons grandi comme frère et sœur. Il est mort en mars 1995, à vingt-quatre ans, dans un monde où les traitements n'étaient encore que des promesses. La maladie l'a emporté avant l'AZT pour tous, avant les bithérapies stabilisées, avant la trithérapie qui allait changer le cours des vies.


Il disait souvent, en regardant ses résultats de T4 : « Je me sens comme une voiture qui doit monter une côte, mais qui n'a plus d'essence. » Il ne se plaignait pas. Il constatait. Cela résumait tout.


Nous vivions dans une quête continue. Le moindre article, la moindre rumeur scientifique devenait un fil auquel se raccrocher. Quand nous avons appris qu'une trithérapie était en test, nous avons écrit au ministre. Une demande presque naïve. Sa réponse est arrivée une semaine après la mort de Bérenger. La science avançait, mais pas pour lui.


Et puis il y avait la vie, têtue, obstinée. Chaque moment de répit, nous sortions danser, comme si la nuit pouvait tenir la maladie à distance. Nous faisions la fête sur un volcan, convaincus que si c'était la dernière, elle devait compter.


Après sa mort, les dates se sont refermées comme des portes. Il n'a pas vu son frère se marier. Il n'a pas vu naître sa nièce. Il n'était pas à mon mariage, même si je l'ai senti à mes côtés. Il ne connaîtra pas mes enfants, ni la vie que je mène aujourd'hui. Ma sœur, sa mère, n'a pas survécu à son absence. Elle est morte un an après lui. Certaines pertes n'ont pas de refuge.


Je pense souvent aux médecins, aux infirmières, aux amis qui ont tenu la ligne avec nous. Je pense aussi à mon père, homme d'une autre époque, qui a trouvé les mots justes : peu importait la maladie, peu importait ce que le monde en disait, Bérenger resterait son petit-fils et il se battrait pour lui jusqu'au bout. Vincent, son frère, est devenu un homme droit et lumineux. Je crois que Bérenger aurait été fier.


L'inégalité qui perdure

Trente ans ont passé. En juillet 1996, un an et quatre mois après la mort de Bérenger, la trithérapie a été présentée à la conférence de Vancouver. Ici, aujourd'hui, la PrEP existe. Les traitements permettent de vivre. On oublie parfois ce que signifiait être malade avant 1996.

Mais ailleurs, rien n'est simple. L'Afrique subsaharienne concentre 65% des personnes vivant avec le VIH dans le monde. À Eswatini, 27,5% de la population adulte vit avec le virus. Au Lesotho, 20,5%. Au Botswana, 19,7%. En Afrique du Sud, 16,6%. Dans ces pays, des générations entières sont décimées.

Sans traitement, une femme enceinte séropositive a entre 15 et 30% de risques de transmettre le virus à son enfant. Avec l'allaitement, ce risque monte à 45%. Avec un traitement approprié, ce taux tombe à moins de 1%. Pourtant, en 2024, 120 000 enfants sont encore nés avec le VIH dans le monde. L'accès aux thérapies reste inégal. Le code postal détermine encore qui vit et qui meurt.


Le vaccin qu'on attend toujours

Le sida n'est pas une histoire du passé. C'est un enjeu de justice. Un enjeu de vie. Un enjeu de monde commun.

La recherche avance. Des candidats vaccins prometteurs sont en phase I d'essais cliniques. En France, l'équipe du Vaccine Research Institute teste le CD40.HIVRI.Env. Aux États-Unis, l'essai HVTN 133 montre des résultats encourageants. Mais aucun vaccin n'est en phase III. Rien n'est prêt.

Et pendant ce temps, 1,3 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH en 2024. Une personne meurt du SIDA chaque minute.

Nous avons besoin d'un vaccin, non pour célébrer une victoire, mais pour réparer une inégalité. Pour que l'avenir ne dépende plus du hasard de la naissance ou du code postal.


Continuons

Si j'écris aujourd'hui, c'est pour que Bérenger ne soit pas avalé par l'oubli. Pour que ma sœur ne soit pas oubliée. Pour rappeler que la recherche ne sauve que lorsqu'elle arrive à temps.

Et pour dire qu'on doit continuer. Pour eux. Pour nous. Pour nos enfants. Pour tous ceux qu'on ne veut plus perdre.

Soutenez la recherche pour un vaccin contre le SIDA. Soutenez les malades.


Pour donner :

Au Québec :

Au Canada :

En France :

Aux États-Unis :

International :

Faisons-le pour ceux qu'on a perdus. Faisons-le pour ceux qui vivent encore. Faisons-le parce que c'est juste.


Trois films à voir :

  • Philadelphia (1993, Jonathan Demme) - Le premier grand film hollywoodien sur le sida, avec Tom Hanks et Denzel Washington

  • Les Nuits fauves (1992, Cyril Collard) - Un portrait brut et autobiographique de la vie avec le sida en France

  • 120 battements par minute (2017, Robin Campillo) - L'histoire d'ACT UP Paris dans les années 1990, leur combat, leur rage, leur amour


En mémoire de Bérenger et Jacquie

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